Appeler un chat, un chat : Origine, signification et usage d’une expression bien française

Les expressions idiomatiques françaises regorgent de subtilités, d’humour et de références historiques, souvent intrigantes pour les non-initiés. “Appeler un chat un chat” est l’une de ces expressions, employée couramment pour évoquer la franchise et la clarté dans la parole. Mais d’où vient cette expression si imagée, et pourquoi choisir le chat pour illustrer la notion de parler sans détour ? Explorons ensemble l’origine, la signification et les usages de cette expression, tout en découvrant comment elle a évolué au fil des siècles.

Qu’est-ce que cela signifie “Appeler un chat un chat” ?

Commençons par le sens actuel de l’expression. Dire qu’on “appelle un chat un chat” signifie que l’on appelle les choses par leur nom, sans utiliser de périphrases ou d’euphémismes. Autrement dit, il s’agit de parler de manière directe et sans détour, même si le sujet est délicat ou potentiellement gênant. C’est une invitation à ne pas mâcher ses mots et à ne pas dissimuler la vérité derrière des phrases alambiquées.

Appeler un chat, un chat : pourquoi cette expression ?

Cette expression est souvent associée à une certaine honnêteté dans la parole, une franchise parfois brute mais nécessaire. Lorsqu’on “appelle un chat un chat”, on va droit au but. D’ailleurs, on trouve des expressions similaires dans d’autres langues, comme “ne pas tourner autour du pot” en français, ou “to call a spade a spade” en anglais.

Exemples d’utilisation dans la vie quotidienne

Imaginez que vous discutez avec un ami d’une situation compliquée au travail, et que celui-ci hésite à vous dire franchement ce qu’il pense. Vous pourriez lui dire :
“Allez, dis-moi ce que tu penses vraiment, appelle un chat un chat !”
De même, lors d’une réunion où les choses traînent en longueur à cause de trop de formalisme, vous pourriez entendre quelqu’un dire :
“Ne tournons pas autour du pot, appelons un chat un chat.”
C’est une façon élégante d’inviter à une discussion sincère et sans détour.

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Origine de l’expression : Du XVIIe siècle à nos jours

Une histoire d’euphémismes et de bienséance

Pour comprendre l’origine de cette expression, il faut remonter au XVIIe siècle, une époque où le langage était souvent codé et où certaines parties du corps ou certaines actions étaient jugées indécentes à nommer directement. À cette époque, le terme “chat” était parfois employé comme un euphémisme pour désigner la toison pubienne de la femme. Dans un souci de bienséance, les gens évitaient donc de nommer certaines parties du corps de manière explicite et utilisaient des termes plus doux ou imagés. Par exemple, “chat” remplaçait des termes jugés trop directs comme “pubis” ou “sexe”.

C’est dans ce contexte que l’expression “appeler un chat un chat” a vu le jour. Elle signifiait à l’origine le fait de nommer les choses sans détour, même si cela pouvait choquer les bonnes mœurs de l’époque. On peut y voir une certaine rébellion contre les conventions sociales trop rigides.

Nicolas Boileau : Premier à utiliser l’expression dans son sens actuel

Le premier auteur connu à avoir utilisé cette expression dans son sens moderne est Nicolas Boileau, célèbre poète et satiriste français du XVIIe siècle. Dans ses Satires publiées en 1666, il écrit :
“Je ne puis rien nommer si ce n’est par son nom. J’appelle un chat un chat, et Rollet un fripon.”
Boileau se moque ici des hypocrisies de la société de son époque, en affirmant qu’il nomme les choses comme elles sont, sans détour ni fausse pudeur. Il fait également référence à un certain Charles Rollet, un personnage historique connu pour ses manigances, qu’il n’hésite pas à traiter ouvertement de “fripon”.

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Des influences anciennes : Rabelais et Érasme

Bien que Boileau soit souvent crédité de la popularisation de l’expression, l’idée de “dire les choses telles qu’elles sont” remonte à bien plus loin. Au XVIe siècle, l’écrivain François Rabelais dans Le Quart Livre (1552) utilise une formule similaire :
“Appelons les figues figues, les prunes prunes.”
Rabelais, connu pour son franc-parler et son goût pour la satire, exprimait ici le même désir de nommer les choses simplement, sans les enjoliver.

Cette expression elle-même s’inspire d’un proverbe grec du Ier siècle, qui prônait la même idée de clarté et de vérité dans le langage :
“Il appelle une figue une figue, une bêche une bêche.”
Ainsi, bien avant Boileau, cette idée d’appeler les choses par leur nom existait déjà sous diverses formes dans les traditions littéraires et philosophiques.

Les nuances grivoises : Quand le chat ne désignait pas qu’un animal

L’expression “appeler un chat un chat” a également des racines dans le langage grivois du passé. Comme mentionné plus haut, au XVIIe siècle, “chat” était un terme d’argot utilisé pour désigner les parties intimes féminines. Cette connotation érotique se retrouve dans d’autres expressions et jeux de mots de l’époque, où la pudeur empêchait de nommer directement certains aspects de l’anatomie.

Le Dictionnaire universel d’Antoine Furetière, publié en 1690, cite ainsi une expression populaire :
“Une fille a laissé le chat aller au fromage.”
Cette phrase sous-entendait qu’une jeune fille avait cédé aux avances d’un homme avant le mariage. Encore une fois, nous voyons comment le mot “chat” était utilisé pour contourner la bienséance tout en véhiculant une idée bien précise.

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Les écrivains et la franchise : Appeler un chat un chat dans la littérature

Depuis Boileau, l’expression “appeler un chat un chat” a été reprise par de nombreux écrivains pour dénoncer l’hypocrisie ou pour prôner une parole directe et honnête. Voici quelques exemples tirés de la littérature française qui montrent comment cette formule a traversé les âges :

  • Henriette de Mannoury d’Ectot, dans Le roman de Violette (1870), écrit :
    “Lecteurs pudibonds, lectrices timorées, qui craignez d’appeler un chat un chat […] n’allez pas plus loin.”
    Ici, l’auteure s’adresse directement à ses lecteurs en les invitant à accepter un discours honnête et sans détours.
  • Jean-Paul Sartre, dans Qu’est-ce que la littérature ? (1948), évoque la responsabilité de l’écrivain face au langage :
    “La fonction d’un écrivain est d’appeler un chat un chat. Si les mots sont malades, c’est à nous de les guérir.”
    Pour Sartre, l’écrivain a le devoir d’utiliser le langage avec clarté et vérité, sans se réfugier dans des artifices linguistiques.

Pourquoi le chat ? Le symbole derrière l’animal

Pourquoi utiliser spécifiquement le “chat” dans cette expression ? Le chat, animal domestique par excellence, a souvent été utilisé dans les métaphores pour illustrer des idées subtiles. Mystérieux, discret et souvent indépendant, le chat peut symboliser la ruse ou la franchise selon le contexte. Dans cette expression, le chat est choisi comme image d’un objet ou d’une réalité à laquelle on ne peut échapper, même en essayant d’adoucir les mots.

Il est possible que l’association du chat à une connotation sexuelle dans l’argot ait contribué à renforcer l’usage de ce mot dans une expression qui prône la franchise, là où d’autres termes auraient pu être jugés trop crus.

Conclusion : La puissance de la parole directe

“Appeler un chat un chat” est plus qu’une simple expression idiomatique, c’est une invitation à la clarté, à l’honnêteté et à la franchise. À travers les siècles, cette formule a évolué tout en conservant son essence : dire les choses telles qu’elles sont, sans chercher à les masquer sous des euphémismes. Que ce soit dans les conversations quotidiennes, dans les écrits littéraires ou dans les discussions philosophiques, cette expression continue de prouver sa pertinence et sa force.

Et vous, êtes-vous du genre à “appeler un chat un chat”, ou préférez-vous parfois adoucir vos propos ? N’hésitez pas à partager vos réflexions dans les commentaires, et discutons ensemble de la beauté du langage et de l’importance de la franchise !